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Café11 décembre 2023

Les heirloom, au secours de la diversité génétique en Éthiopie ?

Les semences éthiopiennes posent une série de questions souvent sans réponse. Pour qualifier la variété, les importateurs et les torréfacteurs parlent d'« heirloom ». Cela ne nous indique rien de plus que l’origine éthiopienne des variétés. Ce manque d'information interpelle, quand les planteurs sud-américains utilisent les variétés pour produire des profils spécifiques et comme argument marketing. Cela peut paraître surprenant dans la mesure où l’Éthiopie dispose de la plus grande réserve « naturelle » de variété au monde.

La production traditionnelle des semences en Éthiopie

Dans la tradition éthiopienne, les planteurs produisent eux-mêmes leurs semences. Pour cela, ils prélèvent des cerises dans la forêt caféière la plus proche. Il arrive aussi qu'ils prélèvent de petits arbres au pied d’un caféier arrivé à maturité. Ceux-ci serontreplantés en pépinière ou sur la parcelle du paysan.

Cette technique relativement simple a l’avantage de s’inscrire dans une démarche de « terroir ». En effet, de cette façon, les variétés utilisées sont des variétés endémiques.

Le problème est que dans une forêt sauvage, il existe une multitude de variétés de caféiers. Il est donc pratiquement impossible de parler de mono-variété.

Aujourd’hui encore, dans chaque localité caféière, il y a une ou plusieurs personnes qui produisent des semences de façon traditionnelle pour les producteurs de café alentour. Généralement, ces « semenciers artisanaux » possèdent une pépinière dont ils vendent la production tout en réservant une partie pour leur propre parcelle.

Les grandes plantations possèdent normalement leur pépinière. C’est ainsi que « les petits exploitants ont été la source majeure d’approvisionnement en semences et plants de caféiers pour les échanges informels entre producteurs » (Taye Kuffa et Alii ; 2011).

Le Jimma Research Center

Aujourd’hui, le Jimma Research Center a la charge de sélectionner et d’enrichir des semences pour les produire. C’est la seule institution publique qui s’implique dans ce domaine.

Le Jimma Research Center (JRC) a pour mission de coordonner la recherche sur le café en Ethiopie. Essentiellement depuis 1987, le JRC a pris l’initiative de sélectionner et de produire des semences améliorées initialement pour lutter contre le CBD (un champignon) avec des variétés résistantes. Entre 1979 et 2010, le JRC a produit plus de 175 tonnes de semences réparties dans tout le pays. Les sites de production sont les suivants :

  • Jimma/Limmu : Jimma, Gera & Agaro Research Centers,
  • Nekemte : Mugi & Haru Research Centers,
  • Yrgacheffe/Sidama : Awada, Wondo Genet & Wenago Research Centers,
  • Harrar : Mechara, Gelemsao, Boke & Mesela Resarch Centers

Ces centres ont produit et distribué une dizaine de variétés, par ordres décroissant de production : 74 110, 74 112, 74 1, 74 140, 74 140, 74 158, 74 4, 74 40, 74165. 

Pour produire ces semences, les techniciens et chercheurs du Ministère de l’agriculture se sont rendus dans la forêt pour observer et repérer les arbres qui résistaient, par exemple, à la rouille ou au CBD. Un échantillon était alors prélevé et numéroté. S’il s’agissait d’une variété non répertoriée, elle était répertoriée selon ce code : année-numéro d ‘échantillon.

La signification de ces numéros ou code est donc assez simple. 74, pour l’année de découverte, soit 74 pour 1974. Et, 110, par exemple, le numéro d’échantillon donné lors du prélèvement.

Aujourd’hui, quand le JRC découvre ou développe des semences enrichies, elle lui donne un nom de lieu comme par exemple Mana Sibu qui est une localité proche de Gimbi et qui a donné son nom à une variété. Ceci illustre l’incroyable diversité des forêts caféières éthiopiennes.

La préservation de la biodiversité génétique

Cependant, n’est-ce-pas aussi chance ? En effet, ce côté artisanal permet de préserver une certaine biodiversité. Nous avons vu plus haut que la production du JRC se concentrait sur une dizaine de variétés. La méthode traditionnelle ou artisanale a généralement permis la culture de variétés prélevées localement, et a donc renforcé les terroirs de café en accentuant leur spécificité.

La diversité et la spécificité ne doivent-elles pas primer sur l’information et la mono-variété ? Il est primordial pour les rendements et la demande d’augmenter la production de semences, d'améliorer les résistances aux maladies avec des semences améliorées.

Mais, il serait souhaitable que cela se fasse en préservant l’unicité des terroirs et la diversité des variétés.