Le côté humain de la tasse, Acte 3 : Indonésie

Entretien avec nos producteurs

Le côté humain de la tasse, Acte 3 : Indonésie

| 2020-06-09

 
Comme vous le savez peut-être, il y a quelques semaines avait lieu notre événement annuel les Primeurs Café avec un format un peu différent de notre traditionnel cupping dans nos entrepôts de Bordeaux, actualité oblige ! Nous avons envoyé chez nos clients torréfacteurs des boxes d’échantillons cafés et organisé des conférences en live de nos producteurs.
Vous avez été nombreux à suivre ces lives qui parlaient café, de la production à la tasse mais aussi qui témoignaient de l’importance du côté humain dans une tasse de café. Vous avez pu (re)découvrir nos partenaires et si certains torréfacteurs étaient déjà amoureux d’une tasse, ils ont pu tomber amoureux d’un producteur.
C’est pourquoi, à partir de cette semaine, nous allons publier des interviews de producteurs du monde entier. Alors que les récoltes commencent en ce moment même et que leur pays est confronté au Covid, nous leur donnons la parole pour que vous puissiez les connaître un peu plus et découvrir le côté humain derrière leurs tasses.

Angel, pour l'équipe sourcing Belco



Nous terminons cette série d’interviews avec Eko de Klassik Beans, producteur en Indonésie.

Comment est la situation liée au Covid en Indonésie?

 
Heureusement ce mois-ci, le gouvernement a commencé à déconfiner la ville.
Quant à l’arrière-pays, les campagnes et les villages, la plupart d'entre nous vont bien. Dans un village, l'air et l'eau sont toujours meilleurs, il n’y a pas de pollution comme à Jakarta et dans les grandes villes.
Le bilan aujourd'hui (le 08 juin 2020) est le suivant : 32 033 personnes contaminées, 10 904 guéries et 1883 décès.
En Indonésie, on compte 73 millions de travailleurs à temps plein contre 55.3 millions de travailleurs à temps partiel donc 56 à 60% de la population travaillent quotidiennement. Cela n'inclut pas les travailleurs des villages. La réalité peut donc être plus que cela.
Lors du confinement à Jakarta, les travailleurs n’avaient plus accès aux Warung Tegal (des restaurants bon marché) pour leur repas quotidien proche de leurs lieux de travail.
Les nouvelles qui circulent sont déroutantes, beaucoup de gens parlent et tout le monde devient expert. Les commerçants sont déroutés et par exemple, le vendeur de fruits et légumes a peur d’aller vendre sa récolte en ville, cela a créé une baisse des prix dans les campagnes et une pénurie dans les villes. Las agriculteurs se tournent davantage sur le marché local.
 
Comment est la situation pour la filière café?

Heureusement, les caféiculteurs ne se tournent pas vers d'autres cultures et je ne pense pas qu'ils le fassent à l'avenir sauf s’ils perdent leur clientèle. Il faut entretenir une clientèle sur le marché local. En ville, suite à la fermeture de nombreux coffee shop, beaucoup de baristas ont perdu leur emploi. Le principal défi est logistique. Il y a trop de réglementations pour expédier le café, beaucoup de points de contrôle sur les routes et certains d'entre eux vaporisent du désinfectant chimique sur le camion. Cela pourrait affecter le café. Le gouvernement de Jakarta a rouvert les routes le 5 juin dernier mais les chauffeurs doivent encore se déplacer avec une attestation pour rentrer et sortir de de la ville. En zone urbaine, les gens sont inquiets mais dans les villages ayant un accès réduit aux réseaux sociaux et aux actualités, ils sont plus heureux. Affronter cette pandémie est une expérience de vie.
 
Concernant les ventes de Klasik Beans, le premier trimestre 2020 est bon, les ventes d'avril à mai ont par contre chuté de 90%. Nous espérons revenir à la normale pour le mois de juin.
 
Penses-tu que la pandémie COVID pourrait créer un changement dans notre société ?
Si oui, lequel ?
Cela changera le comportement de la société mais en Indonésie, je n'en suis pas sûr car les gens oublient vite. La plupart des membres de l'équipe de Klasik Beans sont bénévoles. Nous sommes toujours là en cas de catastrophe. Beaucoup d’Indonésiens ne remettent pas en cause leur mode de vie et ils sont loin d’avoir une conscience écologique.
 
Discutons de quelques points :
 
  1. La distanciation sociale
Niveau sociétal et conditions de travail, nous y avons pensé depuis longtemps pour nos salariés. Lors des récoltes, ils bénéficient d'une chambre privée de 6 m² minimum, lorsqu’ils sont assis leur espace de travail est de 4 m² minimum et debout 1 m² minimum.
 
  1. L'eau pour le lavage
Pour des raisons évidentes de durabilité, des espaces dédiés au lavage des mains et l'eau potable sont accessibles et à une distance minimum de 50 m. Nous n’utilisons pas de savons avec détergent et nous ne rejetons pas d’eaux usées dans les rivières avant de les filtrer.
 
  1. Purifier l'eau courante
Dans la filière café, nous nous interdisons de contaminer les rivières, nos eaux usées de lavage sont traitées avant d’être rejetées. Les producteurs de café ont mis cela en place il y a plus d'une décennie, qu'en est-il des autres cultures ou industries ?
Les producteurs de café et en particulier d’Arabica sont en amont, nous préservons l'eau car nous connaissons beaucoup de gens qui vivent en aval de ces rivières. Même si nous sommes désolés par les comportements de certains qui jettent des déchets plastiques, des encres de teinture, des détergents... Comment peut-on se laver les mains sans eau propre ? Les Indonésiens se sentent-ils concernés ?
 
  1. Manger sainement
La plupart des plantations de café en Indonésie sont biologiques par défaut, ce qui signifie que les agriculteurs ne mettent pas d'engrais chimiques de synthèse.
Et pour les légumes ? Qui applique des surdosages d'engrais chimiques synthétiques et de pesticides, fongicides, herbicides qui contaminent les sols et l'eau et deviennent des résidus dans les corps humains ? Les gens mangent ces légumes contaminés, comment peuvent-ils être en bonne santé ?
 
Ma réponse est donc oui, le Covid change la société pour les gens qui pensent, réfléchissent. Sinon, les gens oublieront car ces protocoles ne sont pas nouveaux.
 
Nous savons que le COVID est d'abord une crise sanitaire mais qu’il sera par la suite une crise économique. Comment dans le futur vois-tu changer ou se transformer l'industrie du café de spécialité ?
 
S’arrêter est un luxe pour les humains modernes que nous sommes. Se développer, bouger, grandir sont plus courants que ralentir, s'arrêter et observer. Les aliments de grande consommation sont privilégiés et les aliments biologiques sont plus rares. Les droits de l'homme sont primordiaux mais les droits des animaux ou les droits de la Nature ne le sont pas. La déforestation est nécessaire et la plantation d'arbres et le reboisement ne sont pas importants. Les enfants doivent aller à l'école mais les frais de scolarité deviennent de plus en plus chers. Les gens d’aujourd’hui sont occupés à blâmer la nature ou à pousser les autres à faire ce qu'ils veulent, face à une crise.
 
Le Covid se propage lorsque des personnes traversent une frontière, en exploitant Mère Nature avec l'idée de développement et de croissance pour des raisons économiques et ainsi créer une 'CRISE CLIMATIQUE'. L'activité économique a provoqué le COVID, la crise sanitaire en est la conséquence.
 
Les protocoles mis en place pour la distribution et le transport augmentent les coûts de production. L'économie devient injuste pour le transport, la nourriture et les boissons, la vente au détail...et rentable pour les pharmacies et l'industrie de la santé. L'économie n'est plus une économie mais de l'égonomie. À l'avenir, produire du café durable ou du café de spécialité coûtera plus cher. Pour anticiper, certaines entreprises de café vont réduire le prix d'achat et faire des compromis sur la qualité. Pour cette raison, l'industrie des aliments et boissons deviendra de plus en plus locale afin d'éviter des coûts de transport élevés et un pouvoir d'achat plus faible. De nombreuses personnes ont perdu leur emploi, leur pouvoir d'achat s'affaiblissant. Le café prêt à boire a un bel avenir.
 
Qu'aimerais-tu dire aux torréfacteurs et aux consommateurs qui achètent actuellement tes cafés et pourquoi les encouragerais-tu à continuer d'acheter, de torréfier et de boire tes cafés à l'avenir ?
 
Dans le monde pandémique et en supposant que cela se reproduira, les gens penseront que la nourriture saine est la seule option. L’air et l’eau purs, les sols sains pour une vie saine. Pourquoi ? Parce que lorsque vous tombez malade, personne n'a les moyens de payer, y compris le gouvernement.
 
Chez Klasik Beans, nous pensons que le Covid prend une telle ampleur parce que les humains franchissent des frontières, prennent toute la place sur la terre pour des raisons économiques, pour se développer et grandir et créer une «crise climatique». La pollution de la civilisation humaine est plus rapide que la nature ne peut la filtrer. La seule solution est de planter et de reboiser trois fois plus. Lorsque nous plantons un arbre, nous fournissons de l'oxygène et de l'azote pour nous, plus vous plantez d’arbres et plus nous vivrons longtemps. Si vous ne plantez jamais d'arbre dans votre vie, cela signifie que vous empruntez de l'oxygène aux oiseaux, singes, chauves-souris, chat-civettes qui eux replantent en répandant des graines. De plus, en plantant des arbres, nous filtrons notre carbone quotidien.
 
De 2004 à 2018, Klasik Beans a planté 399 000 arbres sur 460,5 hectares dans l'ouest de Java.
Nous essayons de rendre notre empreinte sur terre aussi inoffensive que possible pour Dame Nature. Lors du calcul de la quantité de CO2 que nous produisons lors de chaque voyage, par exemple pour les vols, l'hébergement, l'énergie, les repas...nous compensons avec 383,7 tonnes de CO2 en plantant 1 683 arbres en 3 ans à Java Ouest, Bali, Sumatra et Flores. Chaque visiteur plante des arbres et chaque agriculteur gardera ces arbres pendant 20 ans, pour assurer le VOYAGE DE NOTRE CAFÉ NEUTRE EN CARBONE.
 
Le reboisement est un mouvement communautaire et Klasik Beans ne demande pas de coût supplémentaire à l'acheteur qui boit notre café. Nous espérons que nous faisons partie de la solution à la crise climatique. Et automatiquement, nos clients font également partie de cette solution. Ensemble, nous préservons cette nature et évitons la prochaine résilience à une pandémie.
 
Pour finir, qui sont Eko & Klassik Beans en quelques mots?
 
Quel est ton livre préféré ?

Je n'ai pas de livre préféré.
 
Quel est le mot que tu choisirais pour définir ton équipe Klasik Beans et pourquoi ?

« Faites de petites choses sincèrement » - « akukan hal-hal kecil dengan tulus ». Les grandes choses commencent par de petites choses, si nous nous concentrons sur de petites choses, nous sommes plus reconnaissants de ce que nous réalisons et nous arrêterons quand cela sera suffisant.
 
Quelle est ton personnage préféré, celui qui t’inspirante dans l'histoire humaine et pourquoi ?

Prabu Guru Dharmasiksa 1175-1297 « Il n'y aura pas de présent, s'il n'y a pas de passé ».
Lorsque les gens préservent le cycle de l'eau de la source à la mer, ils préservent l'humanité. Les rivières sont vivantes, les humains interdisent de bloquer ou de construire des barrages pour des raisons quelconques. Si la qualité de l’eau est la même dans la source de montagne qu’en se jetant dans les océans, notre Terre restera un paradis.
 
S’il t’arrive de croire à la réincarnation, en quel animal aimerais-tu te réincarner et pourquoi ?

Un oiseau pour répandre des graines, reboiser et réveiller l'Homme le matin.
 
Qu'est-ce qui fait de toi la personne la plus heureuse qu’il soit ?

Les montagnes et les rivières.
partager

Je m'abonne à la newsletter Belco :
logo BELCO

Retrouvez-nous sur :


Contactez-nous

Appelez-nous au 05 56 16 56 56

Du lundi au vendredi de 09h00 à 19h00

ou


Contactez-nous directement

sur notre formulaire en ligne.

Mentions légales | Notre politique de confidentialité | CGV